New securitybeat - Le bétail de l’élite urbaine aggrave les tensions entre éleveurs et agriculteurs dans la zone soudano-sahélienne en Afrique
Ces dernières années, les conflits entre éleveurs et agriculteurs pour l’accès aux ressources naturelles de plus en plus rares dans la zone soudano-sahélienne en Afrique se sont aggravés. Bien que les problèmes qui alimentent ces tensions sont à la fois de nature hyper-local et transnational, une importante pièce du puzzle est négligée. Le nœud du problème est de savoir à qui appartient le bétail.
Les derniers incidents révèlent un aspect préoccupant du conflit éleveurs-agriculteurs dans cette région. Une attaque meurtrière dans le centre du Mali le 23 mars perpétrée par les Dogons, un groupe ethnique rival composé principalement d’agriculteurs et de chasseurs, a causé la mort de plus de 130 éleveurs de l’ethnie peule. Au Nigeria, les conflits pastoraux sont estimés six fois plus meurtriers que les violences causées par l’organisation terroriste Boko Haram en 2018. En République Centrafricaine (RCA), plus de 70 % du pays est contrôlé par des groupes armés, y compris des groupes armés identitaires qui s’engagent à protéger les éleveurs mais sont impliqués dans des actes de violence contre des civils.
Le néo-pastoralisme : Un nouveau défi
Les conflits entre éleveurs et agriculteurs de la zone soudano-sahélienne en Afrique (voir Carte 1) ne sont pas nouveaux, mais les principaux changements apportés à la composition et à la propriété des troupeaux de bétail ont aggravés des tensions autrefois gérables. L’élite urbaine, y compris les responsables civils et militaires, dans des villes comme N’Ndjamena (Tchad), Khartoum (Soudan), Bangui (RCA) et Abuja (Nigeria) concentrent leurs richesses sur de plus grands troupeaux (principalement le bétail).
La transhumance, qui est une pratique qui consiste à faire voyager le bétail de façon saisonnière pour accéder aux pâturages et à l’eau disponibles devient de plus en plus militarisée. Ce « néo-pastoralisme », qui est une nouvelle forme de propriété de troupeaux d’absents, contourne souvent les contrats de confiance avec les éleveurs locaux en faveur d’une protection armée et de conducteurs de bétail engagés pour déplacer le bétail dans les zones frontalières en traversant souvent les frontières nationales pour paître en toute impunité. De telles actions peuvent accroître le surpâturage et contribuer à la perception d’une « invasion » pastorale, qui peut avoir des répercussions graves sur les moyens de subsistance locaux, la résilience de la faune et la sécurité régionale.
A qui appartient ce troupeau ?
La question de la propriété des troupeaux reçoit souvent peu d’attention dans les discussions de politiques, en partie à cause des lacunes des données empiriques. Déterminer quels groupes sont engagés dans la transhumance dans une région particulière, sans parler de l’identification des véritables propriétaires du troupeau en question, est un grand défi particulièrement à la lumière de la politique identitaire complexe liée au pastoralisme. Des groupes non-pastoraux désignent souvent les communautés d’éleveurs par des étiquettes de groupe (par ex. Peul, Foulbé, Mbororo) qui peuvent considérablement différer des étiquettes que les éleveurs eux-mêmes utiliseraient. Des liens sous-ethniques complexes et des droits fonciers basés sur la tribu, le clan et la géographie locale qui peuvent tous alimenter l’identité pastorale, sont négligés.
Ce manque de compréhension peut générer des simplifications toxiques vis-à-vis des éleveurs notamment, l’application étendue des étiquettes comme « Peul militant » ou « extrémiste peul. » Le rapport 2018 de l’Indice mondial du terrorisme mentionne l’augmentation du nombre « d’extrémistes peuls » au Nigeria mais ne saisit pas les nuances associées à l’étiquette « peul », qui peut comprendre des agriculteurs sédentaires, des commerçants et des éleveurs mobiles. Ce rapport combine à la fois les statistiques des Peuls avec ceux de Boko Haram en déclarant, « les extrémistes de Boko Haram et peuls sont tous deux responsable de 63 % des attaques terroristes et de 88 % des décès liées à ces attaques au Nigeria. »
De telles généralisations brouillent la distinction entre ces différents groupes (pastoraux ou autres) et leurs motivations et par inadvertance aggravent les tensions intercommunales. Par exemple, l’attaque de mars dans le centre du Mali comprenait des propos non fondés de liens entre les groupes peuls et djihadistes. Dans un autre exemple d’après l’ONG Invisible Children, beaucoup de communautés dans le nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC) supposent que les éleveurs Mbororo collaborent avec le groupe d’insurgés armés, l’Armée de Résistance du Seigneur (ARS) à certains égards, même si les Mbororo déclarent être attaqués quelques fois par l’ARS.
Néo-pasteurs, cette élite locale riche et puissante alimente les simplifications toxiques comme « peul militant » puisqu’ils ont souvent des conducteurs de bétail bien armés qui ne suivent pas les pratiques coutumières qui régissent l’accès au pâturage et fournissent des mécanismes pour une médiation des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Ils enfreignent les règles, ce qui peut accroître les conflits locaux et réduire davantage la dynamique socio-écologique complexe associée à l’accès aux ressources naturelles à des récits simplistes comme « chrétiens contre musulmans. »
De plus, la propriété du bétail peut être un sujet politiquement sensible, étant donné que les individus qui possèdent les troupeaux les plus problématiques sont les mêmes qui détiennent un grand pouvoir politique et exercent une grande influence sur les accords, politiques, et même les débats nationaux relatifs à la gestion des mouvements de bétail à l'intérieur et entre les pays de la zone soudano-Sahélienne.
La République Centrafricaine (RCA) dans l’ensemble est une « ressource libre d’accès » d’après Dr Mark Freudenberger, spécialiste en conservation des ressources et en droit de propriété, intervenant lors d’une réunion récente du Groupe de travail inter institutions et multisectoriel du pastoralisme en Afrique. Les néo-pasteurs élargissent la frontière coloniale du pays en exploitant ses limites territoriales. Dans ce manque de bonne gouvernance, les acteurs étrangers peuvent entrer dans le pays pour maximiser leur accès aux espaces non gouvernés. Dans le cas de la RCA, les étrangers comprennent les troupeaux néo-pastoraux du Tchad et du Soudan voisins. Ces grands troupeaux composés principalement de bœufs qui entrent en RCA à la recherche de pâturage et d’eau. Ils brûlent souvent le paysage avant l’arrivée des animaux (voir Carte 2) pour stimuler la croissance de nouvelles herbes et éliminer la menace des mouches tsétsé qui peuvent transmettre des maladies.
Une destination de premier choix à l’Est est l’aire protégée de Chinko, une étendue vierge de nature sauvage gérée par l’Organisation non-gouvernementale sud africaine African Parks, et soutenue par le U.S. Fish and Wildlife Service depuis 2013. Chinko est situé dans l’une des régions les plus enclavées et les plus en difficultés d’Afrique mais abrite également des populations restantes d’espèces fauniques clés telles que l’éléphant d’Afrique, l’éland géant, le buffle d’Afrique et le chien sauvage d’Afrique.
Le parc estime qu’au moins 800 000 têtes de bétail (la moitié étant des bœufs) entrent dans l’est de la RCA chaque année et environ 15 000 à 50 000 de ces animaux vont plus précisément à Chinko. La plupart de ces troupeaux sont grand, avec 300 à 1 500 têtes de bétail. En tant que propriété de l’élite urbaine à Khartoum, la capitale du Soudan le bétail est dirigé par des conducteurs de bétail armés engagés.
Une fenêtre d’opportunité
Le manque de clarté en ce qui concerne la propriété du bétail dans l’ensemble du Soudano-Sahel en Afrique est une indication évidente du manque de bonne gouvernance des ressources naturelles et de la sécurité régionale. Des recherches sont donc nécessaires afin de déterminer à qui appartient le bétail ici, surtout ceux dans les limites territoriales, combien d’animaux ils possèdent et leurs véritables motivations.
Les néo-pasteurs opérant dans ce paysage sont sans doute ceux qui gagnent le plus à ce qu’une grande partie du Soudano-Sahel ne soit pas gouvernée, puisque cet état d’instabilité facilite leur accès sans restriction à de grand espaces de pâturages et à l’eau. L’année dernière, le U.S. Fish and Wildlife Service à commencé à financer un portefeuille de projets de conservation visant à mieux comprendre et à aborder les nouveaux défis de conservation liés à la transhumance dans le Soudano-Sahel, y compris la recherche sur les structures de propriété du bétail, mais plus de travaux de ce genre sont nécessaires.
D’ailleurs, la nature multidimensionnelle de ce défi exige une collaboration intersectorielle étendue entre les gouvernements africains et les organisations axées sur la conservation, la sécurité et le développement. Cependant, de tels efforts doivent aller au-delà des approches techniques d’un seul secteur pour résoudre le conflits entre éleveurs et agriculteurs et y associer les innovations pour une gestion durable des ressources naturelles, les diverses formes de connaissances (par ex. les connaissances autochtones), l’intégration des moyens de subsistance ruraux avec des opportunités de marchés étendues, ainsi qu’un soutien des accords locaux et mécanismes de gouvernance qui sont reconnus et légitimés par l'État.
Un signe prometteur de ce type de démarche est la la Déclaration de N’Djamena issue de la Conférence internationale contre le braconnage des ministres de la défense, de la sécurité et des aires protégées de janvier 2019 qui a mis l’accent sur la nécessité de traiter et de façonner la dynamique régionale de transhumance. Une réunion de suivi provisoirement prévue pour décembre 2019 à N’Ndjamena, au Tchad pourrait offrir une occasion importante de discuter des principaux défis liés au néo-pastoralisme, de donner des conseils spécifiques pour les relever et d’obtenir des engagements des parties présentes.
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