Analyse du traitement de l'infraction forestière par le judiciaire au Cameroun
Cette analyse ressort des maux de l’exploitation forestière qui restent d’actualité aujourd’hui et met en lumière le rôle que joue l’appareil judiciaire dans la lutte contre la mauvaise gouvernance dans la gestion des ressources naturelles au Cameroun.
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L’exploitation illégale du bois est une problématique récurrente dans le secteur forestier camerounais. Elle fait l’objet d’actions continues conduites tant par les pouvoirs publics que par la société civile pour venir à bout du fléau avec une emphase depuis l‘adoption de la loi portant régime des forêts en 1994. En effet on note des infractions tout au long de la chaine d’exploitation, c’est-à-dire dès la coupe d’arbres, en passant par le transport et la transformation, jusqu’à la commercialisation. La diversité des types de violations recensées dans les sommiers des infractions forestières et fauniques tenus et publiés par l’administration des forêts au Cameroun est un indicateur de cette situation (sommier du 1er trimestre 2019 par exemple). Ces sommiers qui paraissent en principe sur une base trimestrielle nous renseignent sur la densité du contentieux et sur les voies de traitement empruntées. En ce qui concerne les contentieux traités par la voie judiciaire, une affaire sur des violations relatives à l’abattage et au transport illégal du bois (Ministère public et Ministère des forêts et de la faune et Martin contre Martin, André, Xavier, Henri, Jules et Raoul) a été portée devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yokadouma par le Procureur de la République près les tribunaux de Yokadouma et par Martin. Jugée le 25 juin 2013, cette affaire a amené le juge à se prononcer sur un cas d’exploitation frauduleuse de bois, de complicité d’exploitation frauduleuse de bois, d’escroquerie, d’abus de fonction, de concussion et de détournement de biens saisis.
Dans un contexte où les problèmes de conformité à la réglementation persistent, l’analyse de ce cas permet, sous un angle judiciaire, de relever les maux qui entachent l’exploitation forestière en général, et la qualité de l’intervention du judicaire en particulier. Bien que ces faits se déroulent en 2007 et que le juge se prononce 6 ans plus tard, c’est-à-dire en 2013, il apparait que la problématique de l’exploitation illégale reste d’actualité. Le présent commentaire s’inspire de la méthodologie classique de rédaction de ce type de travaux pour proposer un document compréhensible tant par les universitaires et chercheurs en droit que par les profanes. L’autorité de la chose jugée n’ayant pu être vérifiée à ce stade, ce commentaire de décision pourrait être révisé le cas échéant. L’objectif principal du présent document est de porter un regard objectif sur ce qui se fait ou qui reste à faire pour améliorer le déclenchement des recours judiciaires, l‘appropriation de la législation forestière et l’implication des magistrats sur le contentieux forestier d’une part. D’autre part de susciter un plus grand intérêt de recherche pour les universitaires et chercheurs en droit, ainsi que les profanes sur les infractions environnementales de manière générale.
Selon les informations du jugement rendu, il ressort que, courant août 2007, des éléments de l’administration des forêts et de la faune de la Boumba et Ngoko ont interpellé sieur André en provenance du village MOAMPACK, village du ressort judiciaire de Yokadouma dans la région de l’Est Cameroun. Ce dernier conduisait un camion chargé d’un lot de bois appartenant à sieur Martin et détenait un certificat d’origine de la forêt communautaire de Mpiemo. Le document indiquait mille lattes d’essence sapelli d’un volume de 4, 242 mètres cubes signé par sieur Xavier alors chef de poste de contrôle forestier et de chasse par intérim de Moampack. Cependant, le contenu du camion évalué par les agents interpellateurs se chiffrait, en plus des lattes, à 854 planches de même essence pour un volume de 24, 583 mètres cubes.
Pour sa part, sieur Martin affirme n’avoir jamais exploité la forêt de Moampack en fraude. Il relève que sieur Xavier lui avait pris une somme de 250 000 FCFA pour accéder à la forêt communautaire et y couper des arbres. Cette somme était destinée à sieur Xavier lui-même, au délégué départemental des forêts et aux écogardes. Il affirme également avoir été présenté par sieur Xavier à la communauté de Moampack. Il continue en relevant que le délégué départemental des forêts Henri et le chef de section forêt Jules avaient connaissance de cette exploitation. Le plaignant Martin dit à la cour sa surprise lorsqu’il a appris que son lot avait été saisi à l’entrée de Yokadouma, alors qu’il avait remis à sieur André le chauffeur du camion, le certificat d’origine à lui délivré par sieur Xavier. Il a alors sollicité l’intermédiation de sieur Raoul, responsable de l’environnement et de la protection de la nature de la Boumba et Ngoko. Pour réaliser cette intermédiation, sieur Martin affirme que sieur Raoul a exigé le paiement de la somme de 500 000 FCFA mais qu’il ne lui a remis que 400 000 FCFA. Au regard du temps écoulé sans suite effective à sa demande, sieur Martin allègue avoir rencontré sieur Jules pour obtenir les documents légaux qui lui auraient permis de transporter les 2 000 pièces de bois restantes dans la forêt exploitée. Pour cela, sieur Jules lui aurait demandé de payer la somme de 2 000 000 FCFA. Cependant, sieur Martin affirme n’avoir remis que 1 200 000 FCFA à sieur Jules et qu’il n’a jamais obtenu les documents demandés.
Le présent document a été rédigé grâce à la participation financière de l’Union européenne dans le cadre du projet « Voix des citoyens pour le changement : observation forestière dans le Bassin du Congo ». Les opinions qui y sont exprimées ne peuvent en aucun cas être considérées comme reflétant la position officielle de l’Union européenne.
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