La société civile en première ligne dans la protection des forêts et des droits des populations autochtones au Congo – Fern
Nina Cynthia Kiyindou est juriste communautaire et dirige le programme des ressources naturelles et des droits des communautés forestières de l'Observatoire congolais des droits de l'homme (OCDH), le partenaire de Fern au Congo. L'OCDH a été créé à Brazzaville en 1994 par un groupe de journalistes, d'avocats et d'enseignants, dans le but de promouvoir les droits humains, l'état de droit et la démocratie au Congo. Nina travaille pour l'OCDH depuis 2008 et appuie les communautés locales et les populations autochtones dans la promotion de leurs droits. Auparavant, elle était consultante et chercheuse sur la loi congolaise sur les peuples autochtones dans le cadre d’un travail réalisé avec l’appui de RFUK.
Elle décrit ici la manière dont l'OCDH aborde les problèmes complexes et profonds auxquels de nombreuses communautés forestières font face lorsque des projets de conservation et d'exploitation forestière s’implantent dans les zones où elles vivent.
Q: Comment avez-vous commencé à travailler sur les défis auxquels sont confrontés les populations autochtones et les communautés forestières ?
R: Au départ, l'OCDH ne s’intéressait pas aux questions forestières. Son mandat était uniquement de promouvoir et de défendre les droits humains « classiques ». Mais notre travail sur les droits des populations autochtones a commencé lorsque nous avons publié un rapport en 2006 dans lequel l’ampleur des problèmes auxquels ces groupes étaient confrontés en particulier du fait des entreprises forestières – nous avait frappés.
Q: Quels sont les plus grands défis auxquels sont confrontées les communautés forestières du Congo ?
R: Un grand défi pour les peuples autochtones et les communautés locales est qu'ils ne peuvent pas participer efficacement à la gestion forestière et aux processus forestiers. La gestion forestière a lieu au niveau local. Les processus forestiers sont par exemple les accords de partenariat volontaires (APV), le programme de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+), l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et l'Initiative pour la forêt de l'Afrique centrale (CAFI), mais les décisions se prennent au niveau central.
Les communautés n’ont pas un accès effectif aux zones protégées. Il existe une loi sur la faune et les aires es protégées qui garantit les droits d'utilisation, mais elle n'est pas appliquée du fait de l’absence des textes d’application. Il existe de nombreux conflits entre les communautés forestières et les structures qui gèrent les parcs.
Les populations dépendent de ces zones pour les produits forestiers non ligneux (PFNL), notamment le gibier, l'écorce des arbres, les feuilles et les os pour la pharmacopée.
La sécurisation des droits fonciers coutumiers est un autre obstacle majeur pour les communautés. Au-delà des droits coutumiers, la loi exige l'enregistrement [des titres fonciers] et impose diverses conditions. Le défi pour les communautés confrontées à des lois complexes et injustes est comparable au phénomène d'accaparement des terres, qui résulte des projets forestiers, du développement des infrastructures ainsi que des activités des entreprises minières et agro-industrielles.
Lorsqu'une entreprise signe un contrat avec l'État, elle doit prendre certaines mesures en faveur des communautés (cahier de charge). La mise en œuvre de ces obligations nécessite un suivi régulier. De nombreuses entreprises prennent des engagements sociaux mais ne font rien. Et les communautés ont un réel problème à effectuer un suivi de ces engagements par manque de capacités.
Un autre problème est la gestion des Fonds de Développement Local (FDL). Ils n’existent que dans les concessions forestières dotées de plans d’aménagement. Il s'agit d'un mécanisme de partage des bénéfices qui oblige l'entreprise à verser 200 francs CFA (0,3 euro) par mètre cube de bois collecté au FDL. Normalement, les communautés peuvent puiser dans ce fonds pour mener des activités génératrices de revenus, mais il leur est très difficile de développer des projets qui répondent aux exigences des FDL. Les fonds collectés sont également largement détournés ou utilisés à d’autres fins.
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